Copacabana 1987

Récit, French Version

Un jeune homme arrive à Copacabana et rencontre des jeunes femmes très jolies et intéressantes : Daniela, Sônia, Selma, Ana, Marilha, Bárbara, Lúcia, Adriana, Kátia, Marli, Sulamita… C’est l’histoire de leurs aventures. Avec un bande-son de rock & roll Brésilien et en toile de fond les faits divers d’un Brésil en pleine effervescence, surréaliste. La fin de la dictature, les libertés retrouvées.
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Un lecteur des éditions Belfond a écrit ceci:

A travers des petites histoires du quotidien, des relations à répétition, vous capturez bien l’esprit d’un Rio dont on perçoit la libération soudaine après des années de répression et de dictature militaire. L’époque est encore insouciante, mais le lecteur, à trente ans de distance, mesure toute l’étendue des dégâts à venir avec l’épidémie du sida, et le manuscrit, soudain, prend une autre dimension.

C’est comme un témoignage sans filtre de l’esprit et des mœurs d’une époque. Le ton du récit est cohérent, libre, souvent poétique, exposant avec spontanéité une des caractéristiques de la vie dans les pays du sud émergents dans lesquels se croisent et s’entremêlent sans vraiment se comprendre Occidentaux pensant trouver l’eldorado et autochtones pourvoyeurs de rêve.

Excerpts from the Story
Excerpt from p. 143

je me sens mieux maintenant que je reprends les cours de ballet, après un mois où il n’y en avait pas à cause de vacances, et où j’ai dû me contenter avec le jazz ; hier en allant au cours j’ai croisé Ana et Adriana dans l’avenue Copacabana. aussitôt que je suis rentré à midi, elles arrivent. elles mangent sandwiches et boivent coca ; le walkman commence avec Adriana. je leur demande comment elles sont à Copacabana de matin, et elles disent qu’elles ont dormi chez l’amant d’Adriana, ce que je doute parce que j’ai jamais entendu parler d’un tel, et je n’en entendrais pas plus parler. bien que j’aie dormi sept heures je suis encore fatigué ; elles disent, nous, on a dormi six heures et on n’est pas de tout fatiguées. à deux heures, plus ou moins, le walkman passe à Ana, et Adriana dort sur le sol. Ana dit avec un sourire de moquerie,

“une deuxième Kátia.

– tes collègues”, je remarque, parce qu’elle m’a déjà fait savoir,

“ce ne sont pas des amis, ce sont des collègues.”

elle dit régulièrement, “je me méfie de tous”, et il n’y a pas longtemps, où on était assis à la table, et elle m’a dit,

“tu ne me trompes pas.”

ce n’est pas qu’elle soupçonne tout le monde d’être contre elle, ou malhonnête, comme une sorte de paranoïa, seulement qu’elle ne compte sur personne. à trois heures Ana est inconsciente aussi, et je sommeille une demi-heure. à six heures je mange, Ana se réveille lentement, et on sonne à la porte ; c’est Kátia et une autre mulata que je n’ai pas vue avant, et enceinte, assez belle d’ailleurs, une de celles qui ont les traits sculptées, bien marqués et un corps un peu musclé, elle a de beaux yeux perçants. Adriana ne se réveille pas ; c’est la fête, coca, biscuits, elles en mangent 500 grammes et plus un tube de biscuits chocolats. le journal du jour, magazines de rock, verres, sacs, cigarettes, le tout commence à s’éparpiller en désordre ; chaises, lit, sofa se déplacent, oreillers et draps : le juste au corps en jean d’Adriana s’est descendu et elle continue à dormir, sur son dos, ses gros mamelons à l’air, ce que l’on fait mine de ne pas remarquer toute de suite, mais qui vient. on raconte histoires d’amour sans s’arrêter : sur les matelas Ana m’embrasse, me bat, me caresse. Kátia n’avais pas dormi la nuit dernière ; elle est définitivement sans logement et sans un sou ; je pense à la dépanner, mais plus tard j’aurai du mal à la déloger et les autres, censées être ses amies, ne suggèrent rien ; il pleut ; elle raconte les dernières péripéties et on crève de rire, elle est si bête, ou je ne sais pas, c’est une vraie comédie, elle et les argentins :

“on a tous une ce soir, alors tu n’as qu’à te planquer.”

une nuit elle ne voulait pas faire de programme et elle est restée à dormir dans un fauteuil, et elle montre comment c’était, les bras croisés. elle avait acheté de la nourriture, et ils avaient tout bouffé. un lui avait demandé dans la rue,

“tu veux pas m’acheter un hot-dog et un coca?”

alors qu’elle est pauvre. a mulata rit tant qu’elle pleure, Ana s’étouffe. Kátia a deux sacs de vêtements, un plastique et un sac à dos, qu’elle trimbale maintenant, mais toutes les fringues sont sales, qu’elle dit,

“ce n’était pas possible de les laver.”

et elle mime les argentins:

“on va à la plage, Kátia, et il faut que tu sortes.”

une remarque,

“ah, mais les argentins, tout le monde sait mieux.”

et Kátia répète,

“je ne vais plus être dupe, non.”

une remarque les cent dollars qu’elle avait eus, et gaspillés, et pour répondre Kátia dit,

“mais j’ai acheté pas cher.

– et les nuits à la Help?

– seulement deux.”

à neuf heures et demie Adriana se réveille. l’après-midi quand Ana est arrivée, elle venait tout juste de rencontrer Sandra, “baby”, qui lui avait dit que j’avais lui dit qu’elle ne m’aimait pas, mais seulement mon argent. alors Ana était toute fâchée parce que c’était pas vrai, je ne lui avais jamais rien payé. je disais,

“tu crois tous les potins, hein?”

Adriana a dit,

“elle le veut, c’est pour ça qu’elle l’a dit ; toutes, il peut les manger toutes.”

je m’esquivais,

“non, non.”

et je crois bien que Sandra a tout inventé, je ne me souviens pas de l’avoir dit, ni ne vois pourquoi je le dirais. à onze heures Kátia et l’autre s’en vont. Ana me chante refrains de chansons, les mots d’une chanson de Paralamas do Sucesso, la mélodie et le rythme très difficiles.

si les filles de Leblon

ne me regardent plus

si je tire les lunettes je ne vois personne

pourquoi est-ce que vous ne me regardez pas

me dites, quoi que j’ai de mal

pourquoi est-ce que vous ne me regardez pas

derrière ces verres il y a un type sympa

pourquoi est-ce que vous ne me regardez pas

pourquoi est-ce que vous dites toujours non

derrière ces verres il y a aussi un coeur qui bat

elle est douée ; Adriana a le walkman de nouveau, et elle chante en l’accompagnant. Ana me mélange bisous et tapes, me disant qu’elle m’aime, mais ça fait un mois qu’elle ne m’a pas fait amour. c’est minuit et elles s’apprêtent à sortir, il pleut encore. Ana met son collant vert qu’elle a raccommodé l’après-midi ; il était tout troué. j’ai dit,

“jette le par la fenêtre.

– je l’aime.

– achète un autre.

– j’aime celui-ci.”

on a remarqué pendant la soirée qu’Ana a peut-être encore à grandir ; je la regarde maintenant et je pense que c’est peut-être vrai, son corps à encore à se former, n’est pas celui d’une femme, mais d’une adolescente, surtout les jambes et les bras, un peu trop longs et minces, disproportionnés avec le reste, déliés. elles s’en vont, et en arrangeant un peu je vois où elle avait écrit en petit sur la couverture d’un magazine, “Ana Beatriz – je t’aime et jamais je ne vais t’oublier – mon nom”. à un moment dans la soirée, on s’est chauffé avec une bise prolongée ; la conversation allait autour ; je caressais autour de son pubis avec un peu de pression, on s’est serrés encore un peu, baiser plus ouvert, et on s’est dit,

“si on fait l’amour?”

et on a refait un peu surface, “on fait l’amour”, que l’on a répété pour voir la réaction des autres. et personne ne s’est scandalisé, bien sûr, mais elles admettaient qu’elles n’aimeraient pas le faire devant autrui. j’ai dit,

“je crois que je pourrais faire si l’on ne se moquait pas, ou riait, ainsi quiets, peut-être.”

et j’ai ajouté, à Ana,

“si je ne peux pas c’est ta faute.”

intriguée et un peu vexée,

“pourquoi?

– parce que tu ne m’auras pas excité.”

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